Leur formation médicale associe accouchement et hôpital
Aujourd’hui, le nombre des accouchements à domicile augmente mais les sage-femmes qui les pratiquent restent rares. Cela s’explique par leur formation médicale qui associe systématiquement naissance et hôpital. Pour beaucoup, l’idée d’un accouchement à domicile ne les a jamais effleurées. Françoise Servent a fait naître des centaines d’enfants à domicile dans la région du Languedoc. Mais c’est par hasard qu’elle a commencé, en accouchant une femme chez elle, trop éloignée de l’hôpital et puis une autre et puis, raconte t-elle: « Cela devient plus qu’un métier, c’est une passion forte. Il est évident qu’on ne le fait pas pour l’argent, sinon on arrêterait ».
Une rémunération dérisoire pour des responsabilités énormes…
Officiellement, les sages-femmes qui font des accouchements à domicile sont très mal rémunérées.
Lorsqu’il a lieu à l’hôpital un accouchement coûte environ 3000 euros à la sécurité sociale. L’accouchement est en effet pris en charge intégralement : hébergement dans un environnement hyper-équipé + salaire des nombreux personnels.
Pour un accouchement à la maison, la sécurité sociale paye la sage femme 312,70 euros. Or, dans ce cas, c’est elle qui assume la totale responsabilité du bon déroulement des choses. Pas d’équipe médicale pour la relayer, et peu importe la durée du travail. L’accouchement à domicile revient donc 10 fois moins cher à la sécurité sociale. Il fait d’ailleurs partie des pratiques recommandées en Angleterre par le « Collège Royal des Obstétriciens et Gynécologues » et par « l’Administration nationale des naissances« … pour réduire le déficit de la sécu !
…ainsi que des frais et des contraintes colossales
Avec ce forfait de 312,70 euros par accouchement, l’accoucheuse à domicile doit financer son matériel : location et contrôle régulier de la bouteille d’oxygène, monitoring pour écouter le cœur du bébé, instruments et produits de petite chirurgie et d’anesthésie locale, perfusions… (matériel rarement utilisé mais toujours transporté avec elle et remplacé selon les dates de péremptions).
Enfin, ce forfait ne dédommage pas l’astreinte permanente que nécessite ce métier. La sage-femme doit être joignable et disponible 24h/24h. Sa voiture en parfait état de marche, le réservoir toujours plein pour un possible départ immédiat. Pas de vacances, ni de week-end, même les invitations d’amis sont difficiles…
Comme ce tarif n’est pas vivable, elles sont obligées d’effectuer un dépassement d’honoraires variable selon les sage-femmes et les régions : d’environ 300€ en Languedoc Roussillon à environ 1500€ en région parisienne. Autant dire que beaucoup d’entre elles continuent à exercer par amour du métier mais ne gagnent pas leur vie confortablement. Celles qui cherchent à vivre plus confortablement ne pratiquent plus l’accouchement mais uniquement les séances de préparation, de monitoring et de réeducation périnéale en cabinet. «Mais ça, c’est un autre métier. Je ne les envie pas.» confie Françoise Servent.
Le problème de l’assurance
A toutes ces contraintes s’ajoute la question de l’assurance. Toutes les assurances ayant refusé de couvrir l’acte d’accouchement, les syndicats de sage-femmes ont fait appel au conseil de l’ordre qui a chargé le bureau des tarifications d’obliger les assurances à couvrir cet acte. Au pied du mur, les assurances ont accepté d’assurer les sages-femmes durant l’acte d’accouchement, moyennant une cotisation de 20 000 euros par an ! Donc seules les sage-femmes qui facturent 2000 euros l’accouchement peuvent se permettre de s’assurer… et encore.
Par contre toute l’assistance durant le travail et les soins au nouveau-né et à la mère sont couverts.
Par chance, les professionnelles de la naissance à domicile savent par expérience qu’elles ne prennent presque aucun risque. Attention! Les statistiques habituellement diffusées sur les accouchements « hors hôpital » mélangent les accouchements inopinés (n’importe où, par accident et sans préparation), les accouchements « sauvages » (femme seule ou couples non assistés) avec les accouchements à domicile suivis et bien organisés. Or, les accouchements à domicile programmés et assistés ne comptent presque aucun accident. Les statistiques sont les mêmes qu’à l’hôpital pour un premier bébé, et elles sont meilleures qu’à l’hôpital pour un second.
Les précautions maximum visent le risque 0
Cela fait partie du travail de la sage-femme que de s’assurer que la grossesse se déroule normalement, et qu’aucune contre indication ne met en péril l’accouchement à la maison. Pour cela, elle exige que les examens obligatoires soient fait, ainsi que les trois échographies, afin de diriger une éventuelle grossesse pathologique vers l’hôpital.
Enfin, lorsque la mère accouche chez elle, il lui est demandé de réserver une place à l’hôpital le plus proche de chez elle en y déposant son dossier complet : résultats d’analyses, échographies. Ainsi, en cas de complication pendant le travail, la sage-femme peut décider d’un transfert vers l’hôpital. Cette décision doit être prise assez tôt pour protéger la santé de la mère et de l’enfant et éviter le stress.
En pratique, seulement 6% des accouchements commencés à domicile pour un premier bébé sont finalement transférés à l’hôpital (et 0% pour un second bébé car l’accouchement est plus facile !) et seulement 1% des transferts ont recours à la césarienne. Ces chiffres sont minimes grâce aux précautions des sage-femmes qui n’acceptent que les accouchement à domicile situés à moins d’une demi heure d’un hôpital.
Elles exigent également que le père et la mère souhaitent tous deux l’accouchement au domicile et se réservent le droit de refuser d’accompagner un accouchement si elles ne le sentent pas, par exemple en cas d’instabilité psychologique de l’un des parents, ou de conditions d’habitation trop précaires… etc.
Le lien de confiance entre l’accoucheuse et l’accouchée
Le professionnalisme de la sage-femme est gage de sécurité mais pour que la confiance s’instaure, il faut ce petit plus éminemment humain qu’on appelle l’atome crochu. Le suivi de grossesse permettra d’établir le lien de confiance nécessaire durant l’accouchement. Lorsqu’on a mis au monde un bébé chez soi grâce à l’appui précieux d’une sage-femme, on fera à nouveau appel à elle pour le prochain bébé. On prend vite goût à cet accouchement de luxe!
Françoise Servent témoigne: « Je viens d’accoucher une femme médecin et son mari chirurgien qui travaillent tous les deux à l’hôpital mais qui ne veulent pas y faire naître leurs enfants. Ils considèrent que l’accouchement n’est pas une maladie. J’avais déjà fais naître leur premier bébé et s’était très bien passé entre nous. Alors, ils m’ont appelés pour le second. Certaines personnes ont des a priori négatifs sur nous mais lorsqu’on leur explique comment on travaille et qu’on leur donne nos statistiques, les peurs tombent. »
Céline-Elodie Duchemin
Aller plus loin
- Le site du collectif de défense de l'accouchement à domicile :
cdaad.org
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